Des manifestations se sont déroulées lundi dans le centre et le nord du Mali pour protester contre l’insécurité et réclamer la construction de routes pour désenclaver ces régions en proie aux violences intercommunautaires et aux attaques jihadistes.
A Tombouctou, cité historique du Nord classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, des manifestants ont empêché pour le troisième jour consécutif l’accès à l’aéroport, a rapporté une correspondante de l’AFP. Le bateau qui effectue la liaison avec Mopti (centre), principale voie d’accès vers la capitale, Bamako, en raison de l’insécurité sur les routes, a été bloqué. Banques et services administratifs sont restés fermés.
Le ministre du Dialogue social, Hamadou Dicko, a jugé “abusif” ce mouvement qui “participe à l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat”. “Les revendications doivent se faire dans un cadre organisé”, a-t-il déclaré lors d’un point de presse.
“Le gouvernement n’a pas les moyens de faire face à toutes les revendications de construction”, a abondé le ministre et porte-parole du gouvernement, Yaya Sangaré, tout en indiquant que les travaux de la route menant vers le sud reprendraient en décembre, “dès que les mesures de sécurité seront assurées par les FAMa” (forces armées).
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lundi à Bandiagara (centre). “Nous sommes excédés !”, a déclaré le chef du Collectif des associations des jeunes du pays dogon (CAJPD), Adama Diongo, en reprochant au gouvernement son “mutisme” et en assurant avoir comptabilisé “une cinquantaine d’assassinats” depuis la signature début août d’accords de cessez-le feu entre groupes armés, en présence du Premier ministre, Boubou Cissé.
Dégradation du climat sécuritaire
Depuis l’apparition en 2015 dans le centre du Mali du groupe jihadiste lié à Al-Qaïda du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé des “groupes d’autodéfense”.
Les manifestants de Bandiagara, dont des villageois déplacés par ces violences, réclament de pouvoir “rentrer cultiver” leurs champs. Certains d’entre eux portaient des pancartes où l’on pouvait lire “Vive DANA”, du nom du groupe armé dogon Dan Nan Ambassagou.
Le groupe a été officiellement dissous après le massacre d’Ogossagou le 23 mars (quelque 160 Peuls tués), mais n’a pas pour autant cessé ses activités.
Dan Nan Ambassagou a affirmé avoir été visé la semaine dernière par des bombardements de l’armée malienne, qui a confirmé avoir “mené des opérations au centre”.
“Nous sommes sortis pour demander l’arrêt total du désarmement forcé, protester contre les bombardements des camps de Dan Nan Ambassagou (et réclamer) la sécurisation du pays dogon et la mobilisation contre la faim”, a déclaré une manifestante, Aminata Nantoumé.
Une autre manifestation s’est déroulée à Ménaka (nord-est), ville proche de la frontière avec le Niger, au coeur d’une région où est actif le groupe jihadiste se faisant appeler “Etat islamique dans le Grand Sahara” (EIGS).
“On n’a jamais connu ce qu’on est en train de vivre depuis fin 2018 à travers des assassinats, des braquages, des tirs”, a déclaré un coordonnateur du mouvement “Algafiat i Minika” (“La Paix pour Ménaka”), Harouna Ibatane Yattara, organisateur de la manifestation.