La construction de l’infrastructure devant abriter la cérémonie d’ouverture et le match de clôture de la Can 2021 dont le marché avait été passé le 30 décembre 2015, n’est jamais achevée, en raison de plusieurs scandales financiers autour ayant ralenti son achèvement.
La construction du Complexe sportif d’Olembe devant porter le nom de Paul Biya, est en passe de devenir le symbole du plus grand scandale financier au Cameroun de ces dernières années. L’on se demande comment est-on passé d’un Complexe dont le marché avait été conclu avec l’entreprise italienne Gruppo Piccini pour un montant de 163 milliards FCfa en 2015, à bientôt 310 milliards FCfa lorsqu’il sera achevé par Magil Construction, à qui le chantier a été transféré le 3 décembre 2019. Une petite comparaison avec les autres stades construits en Afrique et même dans le monde laisse voir qu’il s’agira d’une infrastructure la plus chère sur le continent et même dans le monde. Certaines personnes le contestent rapidement en évoquant qu’il s’agit d’un Complexe avec, en dehors du stade de football, d’autres infrastructures sportives, alors que pour celles prises en comparaison, il est question juste d’un stade de football. Quel que soit le bout par lequel on explique cette la non-livraison de ce chantier dans les délais, il reste que beaucoup de milliards ont été engouffrés dans ce projet.
Tout commence avec le retard de démarrage du chantier en 2017 après la passation du marché le 30 décembre 2015. Pourtant, le Cameroun pays organisateur de la Can 2019 a fait la promesse à la Confédération africaine de football (Caf) que le stade Paul Biya d’Olembe abritera la cérémonie d’ouverture et le match de clôture de cette compétition, c’est-à-dire la finale. Tout le monde s’est aperçu que les délais de livraison de l’infrastructure devenaient courts. Gruppo Piccini n’y voyait aucun inconvenant puisqu’il fallait utiliser désormais la méthode moderne des préfabriqués. Ce qui engendrait alors des coûts supplémentaires, puisque ces préfabriqués ne se faisaient pas au Cameroun mais en Italie, avec pour conséquence des coûts de transport n’entrant plus dans le cadre du marché initial. Les travaux ont néanmoins avancé à une bonne vitesse et Sam Thamin, le directeur général de Piccini rassurait d’ailleurs que malgré le retard accusé, les éléments contenus dans le cahier de charges de la Caf devaient être livrés au 30 décembre 2018. « Tout ce qui va être nécessaire pour organiser la Can va être livré avant le 28 décembre 2018. Il y a l’hôtel et le centre commercial qui vont être livrés en fin janvier 2019. Après, il y a les autres annexes comme la salle de sport, le gymnase, qui vont commencer après la Can. Pour nous, l’objectif est de réaliser tout ce qui est fait pour la Can », a promis avec fermeté Sam Thamin le 26 février 2018. Seulement, le 30 novembre 2018, la Caf, au cours de la réunion de son comité exécutif tenu à Accra au Ghana, retire l’organisation de la Can 2019 au Cameroun au motif que le pays de Roger Milla n’était pas prêt, au regard des multiples rapports des visites des inspecteurs de la Caf dans les chantiers de construction ou de réhabilitation des infrastructures dédiées à cette compétition. Un appel d’offre est lancé immédiatement et l’Egypte a été choisie pour abriter la Can 2019.
Entretemps, le président de la Caf Ahmad, avait indiqué que le niveau d’investissement fait pas le Cameroun ne pouvait pas lui valoir le retrait total de l’organisation, et a déclaré que la Can au Cameroun avait été reportée. C’est ainsi qu’il est entrée dans une offensive diplomatique ayant abouti au « glissement des dates » pour le Cameroun, la Côte d’Ivoire et la Guinée qui devaient succéder au Cameroun en 2021, 2023. Le Cameroun s’est alors vu octroyé l’organisation de la Can 2021.
Un an sans évolution dans les travaux
Mais, les travaux du stade d’Olembe ont commencé à piétiner. Un an après, malgré la forme visible du stade, rien n’a fondamentalement changé. La pelouse sur l’aire de jeu est inexistante. C’est d’ailleurs la seule infrastructure, de tous les sites retenus pour la Can, qui n’a pas de pelouse au Cameroun. Tout est au ralenti ; le chantier parfois abandonné. L’Etat, à travers le ministre des Sports, a servi deux ordres de services valant mise en demeure à Piccini. Le premier en juin 2019 et le deuxième le 7 octobre 2019. Et malgré des efforts financiers supplémentaires de l’Etat, non prescrits dans le contrat initial, Piccini présentait encore de nouvelles exigences financières. Ce qui a fait passer le coût du Complexe de 163 milliards FCfa au départ, à près de 213 milliards FCfa, selon nos sources. De plus, en ralentissant l’avancement du chantier, Piccini avait bloqué l’avancement des autres travaux adjacents. L’entreprise Razel chargée de construire les parkings et les voies d’accès, n’a plus pu continuer les travaux.
Le ministre des Sports, le Pr Narcisse Mouelle Kombi, s’était d’ailleurs rendu à Olembe le 14 octobre 2019, pour de rassurer de la reprise effective des travaux par Piccini. Rien n’a fondamentalement changé depuis ce moment jusqu’au 29 novembre 2019, que le ministre des Sports signe la résiliation du contrat de construction du Complexe d’Olembe comprenant un stade de 60.000 places, deux stades annexes, un hôtel 5 étoiles de 70 chambres, un centre commercial, un gymnase de 2000 places, un cinéma multiplexe, une piscine olympique, des terrains de tennis, de basket- ball, de handball et de volleyball. Le ministre des Sports annonçait du même coup Magil Construction comme nouvel acquéreur du marché. Et sans attendre, il a procédé à la clôture du contrat avec Piccini et au transfert du marché à Magil le 3 décembre 2019. Le portail des camerounais de Belgique (@camer.be). L’on apprendra à l’occasion, que Piccini cumule un trop perçu de 10 milliards FCfa sur le chantier qu’il quitte. « En ce qui concerne la clôture du marché résilié, il s’agit d’établir de manière précise et à l’amiable la situation des droits respectifs de Piccini et de l’Etat au moment de la résiliation. Un premier élément objectif de travail est le procès-verbal d’évaluation contradictoire des travaux réalisé par Piccini établi le 29 novembre 2019 et signé de Piccini et d’Egis. Document très important, dont il ressort globalement qu’après vérification, poste par poste et descentes contradictoires Egis-Piccini, le pourcentage global d’exécution des travaux est de 74,53%, tandis que le gap entre les travaux et le décompte n°12 payé est de 9,07% ; soit 6.478.527.446 FCfa de trop perçu par l’entreprise Piccini.
Je voudrais ajouter que l’Etat s’est par ailleurs porté caution pour un emprunt bancaire au bénéfice de Piccini d’une valeur de 4 milliards FCfa, qui viennent donc s’ajouter au 6.478.527.446 FCfa de gap ou de trop perçu certifié par l’évaluation faite par Egis et par Piccini. Ceci sans préjudice de toute autre évaluation financière en rapport avec l’exécution de ce contrat », expliquait le Pr Narcisse Mouelle Kombi. Pourtant, Piccini, le même jour de la signature de la résiliation de son contrat, avait menacé d’engager des procédures contre l’Etat du Cameroun. La présence de Piccini à Olembe depuis jeudi, 5 décembre 2019 pour l’évaluation de ces travaux justifie le fait que l’entreprise italienne s’est rétractée.
Nouvelle promesse de livraison : juillet 2020
Magil a alors installé son matériel pour le démarrage des travaux le 9 décembre 2019, promettant de livrer les travaux en fin juillet 2020. « Les instructions de la très haute hiérarchie, c’est de terminer le Complexe d’Olembe. Donc, il n’y a plus de phase une ; de phase deux. Nous terminons le Complexe. Nous allons mettre en service le stade d’Olembe avant cet été. Donc, au mois de juillet 2020. Et nous ferons une réception avec le Comité d’inspection de la Caf avant la fin de l’année prochaine pour qu’il soit opérationnel », a promis Franck Mathiere, le vice-président opérations internationale de l’entreprise Magil. Sur la question de financement des travaux, il rassure : « Les moyens sont un financement international apporté par le groupe Magil. Et donc, ce financement est 100% approuvé par l’international. Nous n’attendons pas des fonds publics pour démarrer ». En clair, Magil ne sera payé par l’Etat du Cameroun qu’à la livraison des travaux, clé en main. Selon nos sources, ce nouveau marché coûtera 97 milliards FCFa. Soit un total de 310 milliards FCFa comme coût de ce Complexe sportif Paul Biya d’Olembe. Un complexe dont la première pierre avait été posée il y a 10 ans. En 2009, avec le projet Pndis (Programme national de développement des infrastructures sportives).
Comparaison du stade d’Olembe avec d’autres dans le monde
Wembley (Londres) : 1,1 milliard d’euros
Gazprom Arena (Saint Petersbourg) : 1,1 milliard d’euros
Emirates Stadium (Londres) : Entre 500 et 700 millions d’euros
Stade Paul BIYA (Yaoundé) : 471 millions d’euros (310 milliards FCfa)
Stade des Lumières (Lyon) : 405 millions d’euros
Stade de France (Paris) : 364 millions d’euros
Allianz Arena (Munich) : 346 millions d’euros
Grand Stade (Lille) : 324 millions d’euros
Donbass Arena (Kiev) : 270 millions d’euros
Stade Vélodrome (Marseille) : 267 millions d’euros