Ils sont nombreux, ces Camerounais qui ne connaissent pas ce nationaliste de leur pays qui a payé de sa vie, tout comme d’autres compagnons de combat pour l’indépendance du Cameroun.
La raison est simple, son histoire n’est pas enseignée dans les écoles et universités du Cameroun,aucun monument n’est erigé quelque part en son nom sur les quatre coins du territoire camerounais. Pourtant, il figure sur la liste très sélective des héros du pays depuis le 16 Janvier 1991
Comment ne pas s’indigner lorsque les Camerounais, jeunes comme vieux pour la pluspart puissent parler du général Degaule, du Maréchal Pétain, de Napoléon Bonaparte, Jeanne d’Arc, Charlemagne etc. et ignorer tout ou presque des Martin Singap, de Ossende Afana, Douala Manga Bell, Adolf Ngosso Din,de Martin Paul Samba,Ernest Ouandié, Ndeh Ntumazah Djouaka Elisabeth alias la douce, Ruben Um Nyobè et autres en plein 21ème siècle. Faut-il croire que les Camerounais ont honte de leurs héros ?
Qui était Ernest Ouandié ?
Ernest Ouandié, celui que ses compagnons de lutte appelaient camarade Emile voit le jour à Bangou en 1924, dans le département des hauts plateaux à l’ouest du Cameroun . Il est le 5ème enfant du couple Djemo et Kapsu. Djemo son père, était polygame de trois femmes.
Son diplôme de moniteur indigène obtenu en 1943 à l’Ecole Supérieure de Yaoundé en poche, il est affecté tour à tour dans plusieurs ville dont Edéa, où sa vie prend un tournant décisif ; il y rencontre l’essentiel de ses futurs camarades du parti dont particulièrement Marthe Eding son épouse.
Militant de l’Union des Syndicats Confédérés du Cameroun (USCC), il est indexé par l’administration coloniale comme activiste et agitateur. Par ce truchement du syndicalisme, il adhère à l’UPC. Lors du Congrès d’Eséka en 1952, il devient Vice président chargé de l’Organisation et responsable des organes de presse, dont la Voix du Kamerun. Au moment de la dissolution de l’UPC en mai 1955,Ernest Ouandié se retrouve à Kumba avec Félix Roland Moumié, Abel Kingué et Ndeh Ntumazah. Ils s’exilent tous à l’étranger et forment leur base à Accra au Ghana, chez Nkwamé Nkrumah.
Plusieurs cadres issus des universités occidentales, se mettent à sa disposition sur sa base d’Accra. Il fait la navette entre Khartoum au Soudan, le Caire en Egypte où est basé Félix Roland Moumié et Conakry en Guinée où certains cadres de l’UPC travaillent pour le compte de Sékou Touré.
En 1961, il décide rentrer et de relancer la lutte armée au Cameroun. Après avoir réussi à mobiliser l’essentiel des militants, et le renfort des jeunes cadres venus d’Accra, il tient une assemblée populaire sous maquis d’où naît en 1962, le Comité révolutionnaire, nouvelle direction de la lutte armée dont il est le président. (1) Parallèlement au Comité révolutionnaire, il lance l’ALNK (l’armée de libération nationale du Kamerun). Il organise la résistance à sa manière.
Monseigneur Albert Ndongmo tentera une médiation de réconciliation entre lui et l’administration Ahidjo. Celle-ci promettait la vie sauve à Ernest Ouandié au cas où il se rendait. Ce qu’il fera le 19 Août 1970 en se rendant au commandant de brigade de Mbanga dans le Moungo.
Le 26 Décembre 1970, il sera jugé par un tribunal militaire pour atteinte à la sûreté de l’Etat et complot contre le Président Ahidjo dans une parodie de procès où ses avocats venant de France et de Grande-Bretagne avaient été interdits de séjour au Cameroun. Ce procès, retransmis en direct sur les ondes de Radio Cameroun,suscitera l’émoi des populations qui accepteront sans réchigner ni même protester la condamnation à mort des accusés.
Le jour de sa fusillade, la dernière personne qui converse avec le condamné n’est autre que son confesseur, le curé de la Paroisse de Tamja, l’Abbé André Wounking, qu’Ernest Ouandié charge de transmettre au Président Ahmadou Ahidjo, que le sang des patriotes versé est une semence du nationalisme.
A ce titre, il est convaincu que personne ne viendra à bout du nationalisme Cameroun. De plus il est certain qu’on parlera de lui à la place centrale de l’Histoire du Cameroun. (2)A dix heures, ayant refusé au préalable que les éléments de l’armée camerounaise lui bande les yeux, il a pris l’option d’affronter le peloton d’exécution en face.Il les regarda droit dans les yeux pendant que les balles crépitaient.
Un dernier défi face à l’ennemi et face à la mort pour demeurer à jamais immortel. Un modèle de nationalisme et de patriotisme pour la jeunesse en perte de repères.
Ernest Ouandié sera fusillé pour ne pas dire assassiné le 15 Janvier 1971 à Bafoussam, sur la place publique et inhumé sur le terrain de l’Eglise Evangélique de Bafoussam Plateau où sa famille lui a érigé une tombe.
Etaient présents ce jour là, Gilbert Andzé Tsoungui, Inspecteur fédéral de l’Administration, Monsieur Mpeck, Préfet de la Mifi, le sous-préfet de Bafoussam, Daniel Sobtejou, le Commissaire Mfou, chef de service provincial de la sûreté nationale, autorité.
Son exécution consacrait ainsi, selon le pouvoir, la fin de l’Upc. Mais Ahidjo et ses soutiens français s’étaient trompés, la graine révolutionnaire était plus enfoncée dans le peuple qu’ils ne l’imaginaient.
Le 27 juin 1991, Ernest Ouandié est proclamé avec d’autres, héros national. Il serait par la suite réhabilité le 16 décembre 1991.
1- Histoire du Cameroun, A.M P 26
2- Mémoire Collectif 1960, P.563- 1969