La levée de boucliers ne faiblit pas au sein de l’opinion publique, notamment sur les réseaux sociaux, depuis la nomination du Portugais Toni Conceiçao au poste d’entraîneur- sélectionneur national des Lions indomptables. En effet, de nombreux observateurs et praticiens du football ne comprennent pas pourquoi le gouvernement camerounais s’entête à désigner un expatrié à la tête de la sélection nationale au moment même où un vent de nationalisation de l’encadrement technique des équipes nationales africaines souffle. La dernière finale de la coupe d’Afrique des nations (Can) qui a mis aux prises deux sélections dirigées par des locaux a conforté la préférence nationale en la matière.
En réaction au tollé qui se répand comme un feu de saison sèche la procédure qui a conduit à la désignation du nouvel entraîneur est brandie ici et là. En creux, il est allégué qu’aucun Camerounais parmi les postulants n’a le profil de l’emploi et que le groupe de travail qui a rendu sa copie est constitué de personnes qualifiées, dont des représentants du ministère des Sports et de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Circulez, y a rien à voir, rien à redire. Tel semble être le message subliminal.
Mais nul n’est dupe dans cette histoire. L’élimination d’un candidat à un test de sélection peut commencer par les conditions d’éligibilité. Les critères de sélection peuvent délibérément dérouler le tapis rouge à un candidat qui a les faveurs de l’organisateur du test. Pour le cas d’espèce, tout porte à croire que le costume du nouveau sélectionneur national a été taillé sur mesure afin que seul un sorcier blanc puisse le revêtir. Une consigne non écrite confinait donc déjà les candidats camerounais aux postes d’adjoints, strapontins réputés dévalorisants et ennuyeux, au gré des états d’âme de l’entraîneur titulaire.
Ailleurs où la décolonisation mentale des dirigeants est une réalité, on aurait intégré explicitement dans les conditions d’éligibilité la clause de la nationalité camerounaise. Une telle rupture ne serait pour rien au monde une hérésie. Une telle démarche ne serait en rien porteuse d’un séisme. Il s’agirait plutôt d’une disruption historique. Et Dieu seul sait que notre pays regorge de compétences capables de relever le défi. Il suffit de leur donner les moyens financiers et matériels adéquats, moins que le pactole généralement servi aux expatriés, et de les juger au résultat. Il suffit de mettre sur pied un cadre de travail qui permet de s’assurer d’une gouvernance saine, loin de certaines pratiques qui tendent à disqualifier les locaux, des usages qui font pourtant florès dans la tanière sous le magistère de certains expatriés, sans susciter la même indignation…
Du point de vue symbolique, la nomination de Conceiçao pour diriger l’équipe du Cameroun à l’occasion de la Can que le pays accueille en 2021, quelle que soit l’épaisseur du CV du technicien portugais, est un crève-cœur, une occasion manquée. Même du point de vue financier, c’est une mauvaise affaire, au moment où le trésor public est à la diète.
Les autorités camerounaises, notamment le ministre des Sports et de l’Education physique, Narcisse Mouelle Kombi, auront beau trouver des arguments pour faire avaler la pilule au peuple, il ne restera pas moins que, par cette désignation, le complexe du colonisé chez nos gouvernants est consacré et légitimé.